Les agriculteurs, qui
se sentent incompris et accablés par les contrôles et les réglementations, ont
crié leur ras-le bol mercredi dans tout le pays, avec plus de 35 000
agriculteurs mobilisés selon la FNSEA, « du jamais-vu depuis des
années ».
Ouest-France 5
Novembre
Canton
rural, le canton d’Evran compte un grand nombre d’agriculteurs. Certains ont
participé aux manifestations organisées, dans toutes la France, mercredi 5
novembre.
FOCUS-DINAN
a voulu en savoir un peu plus et a interviewé deux agriculteurs du canton :
Jean-Louis
Nogues, Maire de Saint-André-des-Eaux, agriculteur, membre de la CNAR (Commission Nationale Agriculture et Ruralité. Parti
socialiste) donne son avis sur les
causes du malaise du monde agricole.
Jean-Louis
Nogues, comment jugez-vous les manifestations du 5 novembre dernier ?
La mobilisation a été forte et dans l’ensemble les
manifestations se sont déroulées sans violences. Je remarque que comme à
l’accoutumée, c’est l’action d’un tout petit nombre – 300 agriculteurs nantais,
sur plus de 35.000 manifestants, soit 1 % - qui a été retenue par les médias : « l’affaire
des "ragondins », que je condamne ! C’est de la désinformation. Ce
phénomène n’est pas nouveau : c’est parce que 3 à 4 %, de "mauvais
agriculteurs" se comportent mal, ignore la réglementation, que l’on impose
à l’immense majorité des autres, un nombre effarant de déclarations de toutes
sortes. Cette paperasserie nous mène droit dans le mur.
Justement,
l’une des revendications des manifestants étaient la suppression des formalités
envahissantes. Qu’en est-il à votre avis ?
Après une longue journée de travail, dans des
conditions souvent difficiles, les agriculteurs, doivent se mettre à rédiger un
nombre de déclarations diverses imposées par les technocrates de Bruxelles. Et
pour l’immense majorité, il faut faire appel à des prestataires, ce qui grève
lourdement leurs résultats comptables.
Mais
vous ne pouvez-pas ignorer qu’il y a de gros problèmes de pollution des sols et
des eaux ?
Il ne faut pas noircir le tableau plus qu'il ne l'est !
Certes des problèmes existent encore. Mais il ne faut pas pour autant en
oublier les efforts qui sont fait depuis des années, - couverts végétaux après
culture qui servent de pièges à nitrates, bandes enherbées en bordure des cours
d'eau, mises aux normes, etc … - il y aura toujours ce pourcentage de mauvais
élèves, dont je parlai tout à l'heure, qui existent, et qui, malheureusement, jettent le discrédit sur la profession. Moi je
préfère parlerai plutôt des bons élèves ! Il faut faire plus confiance aux
agriculteurs et parier sur leur sens des responsabilités. De même la profession
doit mettre en place des procédures d’auto-contrôle. D'ailleurs en partenariat
avec la chambre d'agriculture et « Cœur Emeraude Emeraude », un
comité de pilotage agro-environnemental a été mis en place, sur le « Bassin
versant Rance aval Faluns » . C’est un groupe d’agriculteurs qui mène
une démarche volontaire de contrôle de l’utilisation des intrants. Une interprétation
des résultats constatés est menée. Le
but est d'accompagner les agriculteurs du bassin versant et ainsi d’optimiser
les apports. La réflexion est menée collectivement et des
solutions sont trouvées. C’est par ce genre de démarche que la situation
s’améliorera, pas par la multiplication des normes, des déclarations, des
contrôles tatillons et des sanctions qui obèrent encore plus la trésorerie des
entreprises agricoles qui sont déjà mise à mal par la réalité des marchés et
l’attitude de la grande distribution.
Mais
les agriculteurs sont toujours à se plaindre. Pourtant, ils reçoivent des aides
importantes de l’Europe, dans le cadre de la PAC ?
Pour ma part, je préfèrerai réaliser mon résultat
d’exploitation avec la recette de la vente de mes produits, plutôt que de dépendre
d’aides européennes. Mais les aides attribuées ne sont pas faites, que pour
agriculteurs. Elles profitent largement aux consommateurs qui, sans elles,
devraient payer leur viande au prix réel, soit quasiment 2 fois plus cher.
Et
l’attitude de la grande distribution ?
Elle est purement scandaleuse et à la limite de la
sanction pénale ! Très récemment, une grande enseigne, que je ne citerai pas,
mais donc j’indique qu’elle a des origines bretonnes (sourire) a, subitement,
sans avis préalable, déréférencé une grosse partie des produits de la marque
« Paysans Bretons » et s’est livrée à un véritable chantage : «
Acceptez-nos prix d’achats où vos produits ne retrouveront pas leur place dans
nos linéaires. » Ces procédés sont ignobles et contribuent largement au
malaise de la profession. On ne peut pas se comporter ainsi.
Stéphane
Le Foll, le ministre de l’Agriculture était venu en 2011 vous soutenir. Comment
jugez-vous l’action de votre « copain ministre » ?
Nous ne
sommes tout de même pas intimes! Je l’ai rencontré à plusieurs reprises dans le
cadre de mon action à la CNAR à Paris. C’est un camarade de parti. Il est clair
que je ne partage pas toutes les décisions prises, qui a mon avis favorisent encore
trop les grands céréaliers, au détriment de l'élevage, mais je sais que la tâche
n’est pas aisée, et qu'il doit tenir compte des différents partenaire sociaux du
monde agricole. Le contexte européen est très difficile ! Mais je
terminerai avec une petite note d'optimisme : je sais pertinemment que les
aides couplées pour la période
2015-2020 vont connaître une augmentation dont les éleveurs vont bénéficier au
premier chef.
Yves
Bazy, agriculteur, producteur de lait, conseiller municipal de Plouasne, livre
le sien, avec autant de convictions.
Yves Bazy, les agriculteurs ont manifesté, mercredi 5 novembre, un peu partout
en France. Vous êtes agriculteur, quels en étaient les motifs, d’après vous ?
Nos motifs de colère sont nombreux et l'incompréhension porte sur plusieurs
points. En premier lieu, « le
manger français », car en effet nous demandons à tous les
acteurs concernés par la R.H.F. (Restauration Hors Foyer) c'est à dire les
municipalités (cantines scolaires), les hôpitaux, les foyers logements, etc ...
de faire preuve de responsabilité. Il est tout à fait anormal que nous
trouvions autant de matières premières alimentaires qui proviennent de
l'étranger. Nous sommes dans un pays où on nous a demandé de produire les
meilleurs produits qui soient. Alors, maintenant, pourquoi s'approvisionner
dans des pays où la traçabilité et la qualité, surtout des viandes, laissent à
désirer ? Par exemple, alors que la viande de volaille, consommée
aujourd'hui dans ces établissements, provient à plus de 70% de l'étranger, c'est
tout un pan de notre économie qui est touché. Le secteur agricole et tout
le secteur de l’agroalimentaire sont menacés. Cela impacte l’emploi, à terme,
surtout dans notre région !
La revendication principale des manifestants, semblait porter sur la
"paperasse" à laquelle les agriculteurs sont confrontés. Qu’en est-il
à votre avis ?
Il s’agit de la "simplification
administrative". Nous sommes écrasés par le trop de paperasse, les
normes à n'en plus finir, les contrôles, etc ... Libérons les énergies ! Notre
fonction première, pour nous agriculteurs, est de produire pour nourrir la
France et non, de passer un temps considérable à toutes ces tracasseries, qui
nous empêchent, quelque part, d'être compétitif. Je prendrai un seul
exemple : pour un projet d'installation classée, qui déjà demande
beaucoup de temps pour la préparer, l'instruction par notre administration peut
demander plus de 2 ans alors que chez notre plus proche voisin l'Allemagne,
6 mois suffisent ! Nous demandons vraiment à l'état Français, d'être plus
pragmatique, en encourageant ceux qui produisent et qui contribuent à
l'équilibre de notre balance commerciale, surtout dans ces temps bien compliqués
aujourd'hui pour notre pays.
Après le succès de ces manifestations qui ont mobilisé le monde agricole,
qu’allez-vous faire ?
Si nous n'avons pas de signes concrets et si nous n’enregistrons pas une
volonté de l'état Français pour satisfaire ces légitimes revendications, nos
actions continueront.
Liens à suivre, pour en savoir plus :
Facebook jeunes agriculteurs :
La France Agricole :
Paysan Breton :
http://www.paysan-breton.fr/index.php?num=519
Chambre d’Agriculture des Côtes d’Armor :
Luc Boutet